Pharmacies sauvages et médicaments de la rue, la plaie de la Centrafrique

Même si le gouvernement centrafricain s'est attaqué il y a quelques années au phénomène des médicaments dits de "la rue", les pharmacies sauvages sont encore vitales pour le deuxième pays le moins développé au monde.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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Des médicaments de la rue à Bangui
Des médicaments de la rue à Bangui  —  MINUSCA

Dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, l'achat et la vente des médicaments de la rue est fréquent. Ce terme regroupe d'un côté, les médicaments contrefaits sans molécule active ou en quantité insuffisante. De l'autre, des produits détournés du circuit officiel et mal conservés. Ils entrainent chaque année au moins 270.000 décès sur le continent africain, selon le dernier rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Et malgré la création récente de l'Agence africaine du médicament (AMA), dont l'objectif est de lutter contre ces contrefaçons, le fléau persiste. C'est notamment le cas en Centrafrique, où l'accès aux soins est très limité. Dans ce pays en guerre civile depuis 10 ans qui souffre d'une pénurie chronique de personnel de santé qualifié, d'équipements, et de médicaments, les pharmacies informelles sont vitales pour les Centrafricains les plus démunis. 

Mais il y a un revers à la médaille: prolifération de médicaments de mauvaise qualité ou faux, résistance aux antibiotiques, exercice illégal de la médecine... S'il n'existe aucun recensement officiel des pharmacies sauvages, une douzaine d'entre elles sont visibles sur la seule avenue de France, une grosse artère d'un quartier défavorisé à Bangui, devant lesquelles se forment quotidiennement de longues files d'attente, particulièrement en fin de journée.

"Plus rapide et moins cher"

"J'achète toujours mes médicaments ici, car à l'hôpital, on ne peut consulter que si on a de la chance", souffle Yaguina Nesly, une jeune femme de 23 ans. "Je préfère venir chez les docta du quartier", un sobriquet qui désigne les tenanciers de ces officines, "c'est plus rapide et moins cher", explique-t-elle.

Pourtant, ces mini-pharmacies "sont dans le secteur informel et favorisent la prolifération des médicaments de qualité inférieure, ou falsifiés", dénonce Romuald Ouefio, directeur de la Pharmacie et de la Médecine traditionnelle au ministère de la Santé. 

Des cas de résistances aux antibiotiques

Si certains estiment que les pharmacies sauvages vont perdurer dans une Centrafrique où le système de santé est sous perfusion de l'aide internationale, Ouefio annonce "une répression très robuste" et pointe la responsabilité des pharmacies sauvages dans des "cas de résistances aux antibiotiques".

Jules Dawili, un laborantin banguissois, admet que des cas de résistance aux antibiotiques, notamment à l'amoxicilline, pour les infections bactériennes, et à la doxycycline, pour le traitement préventif du paludisme, sont dus à ces ventes sans ordonnance ou à de mauvaises prescriptions. Mais il n'en soutient pas pour autant "à 100% la régulation" annoncée par les autorités. "Certains sont compétents", nuance-t-il, estimant que "le gouvernement pourrait les sélectionner, leur faire passer des tests et des formations afin d'aider les personnels de santé".

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