Après l'éboulement à Yaoundé, l'indispensable aide psychologique d'urgence
Alors qu'un quartier de Yaoundé pleure ses morts et ses disparus, les autorités camerounaises tentent d’apporter une aide psychologique aux survivants de l'éboulement de Mbankolo.
Déboussolée ! C'est l'expression que laisse transparaître Ange, entourée de ses quatre enfants. La Trentaine révolue, cette dame, rescapée de l'éboulement de Mbankolo, une banlieue de la capitale camerounaise, est couchée sur un matelas à même le sol en compagnie de ses progénitures comme les autres sinistres à la maison du parti de Nkomkana. Le lieu a été transformé en abri provisoire pour accueillir les familles impactées par le drame. Mais elle a perdu le sommeil et l'appétit. Son regard est vide.
Trois journées consécutives d'intempéries avaient fait céder un mur faisant office de digue pour retenir un plan d'eau artificiel et les coulées de boue ont emporté une trentaine de maisons construites à flanc de colline. Au moins 28 personnes ont péri dans cet éboulement, selon le dernier bilan.
Ces éboulements en saison des pluies surviennent fréquemment à Yaoundé, une ville de quelque 3 millions d'habitants constellée de collines sur les flancs desquelles des habitations souvent précaires sont installées, au mépris du caractère périlleux et, selon le gouvernement, non-constructible de ces terrains. Pour soutenir les sinistrés, le ministère de la Santé a envoyé une équipe de psychologues à Mbankolo.
La double peine
Mais alors que ce quartier de Yaoundé pleure toujours ses morts et ses disparus, le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, n'a pas hésité à fustiger ces "constructions dans des zones dangereuses", promettant de "sensibiliser" maires et habitants pour que "ces zones non constructibles soient libérées".
Après des années, voire des décennies, à laisser ces bâtisses pousser comme des champignons -- comme le pointe une polémique naissante sur les réseaux sociaux -- le ministre a ordonné illico la destruction de toutes celles encore debout sur la colline de Nkol Etam. Leurs habitants les vident désormais à la hâte. Fauteuils, matelas, lits et autres meubles s'entassent. Des hommes, femmes et enfants vont et viennent avec sacs et valises sur la tête, pataugeant dans une boue épaisse. "J'ai 72 ans et six enfants et je n'ai plus un sou. Où allons-nous aller ? Le gouvernement aurait pu nous donner une ou deux semaines pour qu'on s'organise", se lamente Peter Nkoh Fossi, qui vit ici depuis 23 ans.
Débriefing émotionnel
Les personnes les plus durement touchées par cette catastrophe ont besoin d’urgence d’un soutien psychologique. Cela inclut les équipes de recherche et de sauvetage et les bénévoles de première ligne. Si la majorité des habitants de Mbankolo ont perdu des parents, des amis ou ont vu leurs maisons et leurs villages rasés, certains attendent toujours que les corps de leurs proches soient retrouvés, même s'ils sont conscients que les retrouver vivants n'est plus une option.
Les victimes bénéficient d'une prise en charge psychologique qui suit un protocole bien défini. De prime abord, "j'essaie d'identifier la particularité et la singularité du cas du patient", nous explique le psychologue clinicien Johann Kungne alors qu'il vient de s'entretenir avec Christophe Wassa, une victime de 33 ans qui a également perdu son épouse et ses trois enfants dans l'éboulement. "Ce sont des cas critiques sur lesquels il faut intervenir, nous sommes amenés à leur donner beaucoup d'espoir. Car le manque d'espoir peut conduire au suicide", précise le psychologue après avoir passé une vingtaine de minutes avec ce patient.
Les activités sont focalisées sur les exercices de prise en charge psychologique que les psychologues appellent "débriefing émotionnel". Ce dernier consiste à cerner la personnalité du patient avant de déterminer le processus de traitement. Ce n'est qu'au bout de 4 séances que le diagnostic est posé. "Si un travail n'est pas fait sur une longue période, ils vont développer ce qu'on appelle l'état de stress post-traumatique, un trouble qui est développé après qu'un individu ait subi un traumatisme. La victime pourrait basculer vers une maladie mentale. Elle peut entrer dans une psycho-frénésie", explique Roland Hervé Djike.
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