Au Maroc, la légalisation de l'IVG reste lointaine

Dans un Royaume où l’avortement est interdit, sauf en cas de danger pour la santé de la mère, la loi tarde à être modifiée, malgré les nombreux drames liés aux grossesses non désirées.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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Le droit à l'avortement n'est toujours pas accessible pour les Marocaines
Le droit à l'avortement n'est toujours pas accessible pour les Marocaines

Rien n'a changé. Certes, la question de l'avortement thérapeutique a été posée à nouveau sur la table après le décès, début septembre, de Meriem, une adolescente de 14 ans, après une IVG (interruption volontaire de grossesse) clandestine pratiquée dans une zone rurale du centre du pays, en présence de sa propre mère. Mais encore aujourd'hui au Maroc, toute dépénalisation de l'IVG se heurte à des tabous et un manque de volonté politique.

Au Royaume chérifien, une femme qui avorte est passible de six mois à deux ans de prison, et les personnes qui ont pratiqué l'IVG d'un à cinq ans d'emprisonnement. Seule exception: en cas de danger pour la santé de la mère. Malgré les lourdes peines encourues, entre 600 et 800 avortements clandestins seraient pratiqués chaque jour dans le pays, dans des conditions sanitaires souvent désastreuses, selon des ONG locales.

Aucune volonté politique

Une commission, mise en place par le roi Mohammed VI, avait pourtant recommandé en 2015 que l'avortement soit autorisé dans "certains cas de force majeure" comme le viol, l'inceste, la malformation foetale et le handicap mental. Mais "sept ans sont déjà passés et rien n'a été fait! Il n'y a que le silence, ce dossier n'est pas prioritaire", regrette le docteur Chafik Chraïbi, gynécologue engagé pour la légalisation de l'IVG. Fondateur de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), ce dernier déplore une absence de volonté politique pour modifier une "loi archaïque" remontant à 1963. 

Un projet a bien été soumis à deux reprises au Parlement puis retiré sans explication officielle. En séance plénière à la mi-octobre, la ministre de la Famille, Aawatif Hayar, a assuré que la révision du code pénal faisait l'objet d'un "intérêt sérieux du gouvernement". Mais, a-t-elle souligné, les propositions des ONG et des partis doivent "respecter la charia (loi islamique, NDLR) et être acceptées dans la société marocaine". Pour le docteur Chraïbi, ce sont "le pouvoir religieux et le conservatisme des Marocains" qui "bloquent la dépénalisation de l'avortement" alors que "rien ne l'interdit dans la religion".

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Où en est le droit à l'avortement au Maghreb ?

Dans le Maghreb, l'IVG est légale uniquement en Tunisie, depuis 1973, sous l'impulsion du président Habib Bourguiba, et ne fait pas débat, même si les femmes qui avortent gardent le plus souvent le secret. 

En Algérie, l'avortement est puni de 2 ans de prison pour la mère et 5 ans pour les médecins ou personnes le pratiquant. Un débat avait précédé le vote en 2018 d'une loi autorisant "l'interruption thérapeutique de grossesse"

En Libye, l'IVG est strictement interdite, sauf en cas de danger mortel pour la mère. Elle est punie de 6 mois à plusieurs années de prison pour la mère ou toute autre personne. Les peines sont cependant réduites de moitié pour les IVG pratiquées au nom de l'honneur de la famille. 

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